Peu de gens peuvent comprendre le bouleversement psychologique qu’entraîne une naissance prématurée
Nous sommes les parents d’un enfant né très grand prématuré, à 6 mois de grossesse. Cet article est le résultat de nombreux échanges avec des parents ayant donnés la vie prématurément. Il est accompagné de notre témoignage personnel.
Les problématiques liées à la naissance prématurée
Elles sont nombreuses, voici le sommaire :
- Préparer l’arrivée d’un bébé prématuré
- La culpabilité liée à une naissance prématurée
- S’attacher à un bébé dont le pronostic vital est engagé
- Faire la connaissance de son bébé
- Se familiariser avec le domaine médical
- Tenir bon pendant la période d’hospitalisation
- Expliquer la situation à l’entourage
- Souder son couple face à cette naissance prématurée
- Rentrer à la maison avec notre enfant prématuré
- L’impact social et le risque de précarité
- La prématurité de notre fils nous a fait grandir
Préparer l’arrivée d’un bébé prématuré
Lorsqu’on envisage d’avoir un enfant, on s’y prépare mentalement. On rédige une check-liste de ses futurs besoins, on débarrasse les cartons de la pièce qui sera prochainement sa future chambre. On s’en fait une image pré-conçue. C’est un réel projet, celui de construire une famille.
Lorsque nos projets sont chamboulés, notre capacité d’adaptation est mise à rude épreuve. Ici il ne s’agit pas de l’achat d’une maison, mais de la vie d’un petit être. Cette notion submerge tout ce dont on peut imaginer.
La naissance prématurée d’un bébé, est une réelle épreuve car ce n’est pas du tout ce dont ont espérait. C’est très dur à encaisser.
La joie imaginée lors de l’accouchement se transforme en une suite d’inquiétudes et de doutes.
Pourquoi est-ce tombé sur moi ?
Notre préparation a avant tout été mentale. Nous avons vécu une grossesse difficile, accompagnée d’un RCIU et d’une pré-éclampsie.
Le jour de la naissance, le soulagement d’en avoir fini avec cette grossesse compliquée a vite était remplacé par la peur.
Va-t-il s’en sortir ?
La culpabilité liée à une naissance prématurée
Cette culpabilité émane principalement de la mère qui a le sentiment d’avoir échoué. Comment peut-on se féliciter d’avoir accoucher à plusieurs mois du terme ?
La culpabilité d’une naissance prématurée ne s’arrête pas uniquement le jour de la naissance mais se poursuit souvent bien après. L’épreuve qu’est la prématurité peut amener à une perte de l’estime de soi.
Ce fardeau vient s’ajouter à la fatigue liée à l’angoisse. Est-ce que le bébé va survivre ? Va t-il réussir à se développer hors du ventre ?
J’ai souvent rappelé à ma compagne que donner la vie n’est pas une chose facile.
Il est primordial d’accepter la naissance prématurée et de se délester de toute culpabilité.
Sinon le combat s’annonce encore plus difficile.
S’attacher à un bébé dont le pronostic vital est engagé
Encore faut-il pouvoir se rendre au chevet du bébé.
Lors de l’accouchement, le bébé prématuré est directement pris en charge pour recevoir les premiers soins. En fonction du stade de la prématurité, les chances de survie peuvent varier.
La mère n’a pas la possibilité de se rendre immédiatement auprès de son bébé. Elle ne se réveille pas aux côté de son enfant. Les seuls informations reçues sont celles de l’équipe médical ou du père si il est présent.
Parfois l’attachement au bébé est limité. Il est dû à l’incompréhension de la mère face à cette situation et à la douleur d’avoir donner naissance de cette façon.
Notre attachement avant la naissance a été mis à rude épreuve. Mais il n’a jamais été remis en question le jour J. Ce fut étrange de voir comment nous nous sommes emparés du combat aussi rapidement.
Faire la connaissance de son bébé
La naissance prématurée d’un bébé ne laisse pas toujours le temps de se préparer à son arrivée. Les circonstances psychologiques et l’environnement médical rendent difficile la rencontre avec le bébé.
La néonatologie est un service très codifié, les procédures médicales y sont strictes. L’endroit est difficilement propice pour y faire une rencontre idéale.
La couveuse du bébé vient ajouter de la distance dans une relation déjà fragile. À cela vient s’ajouter la multitude de capteurs et le son strident des alarmes donnent simplement envie de quitter la pièce.
Ma compagne n’a pas pu se rendre au chevet de notre fils avant le deuxième jour. J’ai donc été le relais entre le bébé et sa mère.
Cela a été une épreuve très difficile à accepter pour ma compagne.
Les liens se sont rapidement tissés entre eux. Il reconnaissait sa voix et nous passions nos mains très régulièrement dans la couveuse.
Le peau à peau est un moment de tendresse qui a permis de faire vraiment la connaissance du bébé. Il est vite devenu un rituel très apprécié de tous.
Plus tard, l’allaitement est venu donner un peu de magie au lien mère-enfant.
Chose incroyable, nous avons découvert entièrement son visage que quelques semaines plus tard, quand le masque d’oxygène lui fut retiré.
Auparavant son nez et ses joues était masqués.
Se familiariser avec le domaine médical
Trouver ses repères dans un monde qui nous est totalement inconnu n’est pas facile.
Le service de néonatologie est très spécial et donc déroutant les premières fois où on s’y rend.
Les parents évoluent différemment dans ces lieux. Certains sont très impliqués dans ce combat, d’autres totalement absents.
Le déni y est très fréquent.
J’ai été très difficile avec le personnel médical avant cette naissance prématurée. C’était surement ma façon d’exprimer mon ressenti sur cette grossesse qui devenait impossible.
En revanche nous avons été des parents très impliqués dans les soins. Les infirmières sont devenues des visages familiers.
Nous avons tout de même était frappés par le nombre de bébés prématurés qui se battent seuls en couveuse.
Ce combat est parfois trop dur pour certains parents.
Nous ne les jugeons pas, mais nous avons eu le cœur serré plus d’une fois devant des pleurs de bébé sans réponse.
Tenir bon pendant la période d’hospitalisation
Beaucoup d’éléments déstabilisants sont au rendez-vous pendant l’hospitalisation de votre petit prématuré.
Les allés-retours de la maison à l’hôpital finissent par se faire les yeux fermés.
L’attente des résultats suite aux examens de votre bébé devient un rituel.
C’est la période la plus éprouvante de notre vie. La fatigue est toujours là, un an après être sorti de l’hôpital.
Le sommeil a été perturbé par beaucoup de doutes et d’angoisses.
Cette situation exceptionnelle est très déstabilisante et le confort d’un hôpital est loin d’être celui d’un canapé familiale.
Nous avons appris à être patient.
Expliquer la situation à l’entourage
Seuls les parents qui vivent ou ont connu une naissance prématurée peuvent comprendre la situation dans laquelle vous êtes.
Il est donc intéressant de faire connaissance avec les autres parents qui vivent la même épreuve que vous. Ce soutient est vraiment réconfortant.
Votre entourage s’impatiente de ne pas pouvoir rencontrer votre enfant.
Cette incompréhension se poursuit même après l’hospitalisation quand vous déclinez certaines invitations pour préserver la santé de votre enfant.
Les bébés prématurés sont plus fragiles que les autres, mais beaucoup de gens l’ignorent. Ils vous inviterons donc à tirer facilement un trait sur l’épreuve qui est sûrement la plus dure que vous avez eu à traverser de votre vie…
Il est donc important de communiquer avec votre entourage le plus proche afin de lui expliquer quelques notions au sujet de la prématurité mais surtout du combat que vous menez.
Le but n’est pas de recevoir de l’empathie mais réellement de leur faire comprendre les aboutissants.
Si vous ne faîtes pas l’effort d’expliquer à minima ce que vous traversez, alors vous finirez pas être considéré comme des parents trop protecteurs.
Nous avons pris le temps de faire comprendre à nos amis et à notre famille que la prématurité allait chambouler notre mode de vie.
Pour préserver la santé de notre bébé, nous devions éviter certains lieux de rencontre et limiter le nombres de personnes.
Dans l’ensemble, les gens le comprennent. Mais il est important de leur rappeler de temps à autre car ils finissent par croire que vous devenez paranoïaque, à voir le danger partout.
Souder son couple face à cette naissance prématurée
Lorsque l’estime de soi diminue, nous nous faisons une autre image de nous-même. Elle peut se traduire par une incompréhension à l’égard de votre partenaire. Certains couples ont fini par divorcer suite à cette naissance prématurée.
Souvent, on se demande comment les parents d’enfant prématuré font pour trouver l’énergie nécessaire afin de surmonter cette épreuve.
Pendant l’hospitalisation, cette question ne se pose pas car nous avons “la tête dans le guidon”.
Cependant, le retour à la maison peut s’avérer compliquer car les émotions longtemps enfouies surviennent.
Le couple n’est plus forcément en phase face à l’épreuve.
L’un ne veut plus en parler alors que l’autre a encore du mal à s’en remettre.
Cette naissance prématurée n’a pas été tous les jours facile mais une chose est sûre, elle a renforcé notre couple.
C’est dans ces moments importants qu’on voit si on peut compter sur l’autre.
Être à l’écoute de l’autre est nécessaire pour affronter une naissance prématurée.
Rentrer à la maison avec un enfant prématuré
Après plusieurs semaines d’hospitalisation le retour à la maison est enfin arrivé.
La transition entre l’hôpital et le foyer n’est pas simple.
Vous vous retrouvez seuls avec un bébé prématuré qui était encore sous la surveillance d’une équipe d’infirmières quelques heures plus tôt.
Les consignes sont claires, il ne faut pas sociabiliser un bébé prématuré avant ses deux ans. La crèche ne sera donc pas une option envisageable.
Bien avant cela, vos réunions de famille le dimanche ou vos soirées entre amis devront être remises à l’étude.
C’est étrange mais nous avions toujours connu notre fils avec un écran de surveillance au dessus de sa couveuse.
Du jour au lendemain on enlève les sondes, on le considère assez mature pour se passer de tout cela.
C’est un moment qu’on apprécie mais qu’on appréhende. Comment savoir si tout va bien ? Probablement en le considérant comme un bébé né a terme !
L’impact social et le risque de précarité
La durée et la difficulté du combat ont engagé beaucoup de vos ressources.
L’attention que vous avez porté à votre enfant prématuré et la fatigue que vous avez accumulé à rendu votre productivité au travail presque nulle.
Les frais liés aux déplacements et à la situation exceptionnelle que vous traversez ont creusé un trou dans vos finances.
De nombreux foyers ont vu leur niveau de vie chuter à la suite de licenciements et de difficultés financières.
Les facteurs pouvant mener à la dépression sont nombreux.
Nous avions la chance d’avoir une situation stable avant l’arrivée de notre enfant, mais j’ai du travailler beaucoup plus chaque jour pour maintenir ce niveau de vie et combler les dépenses liées au fait que nous étions très peu à la maison.
L’AJPP permet à ma femme de rester 1 an aux côté de notre bébé prématuré même si l’aide ne compense pas entièrement son salaire.
Il faudra ensuite le faire garder ailleurs qu’en crèche pour le préserver de nombreuses infections. Cela entraînera forcément des coûts supplémentaires.
La prématurité de notre fils nous a fait grandir
Aujourd’hui notre fils va bien et nous comble de bonheur.
Le fait de savoir que son avenir était incertain à sa naissance a rendu notre relation unique.
Il nous a montré qu’il savait se battre et nous lui avons montré qu’il pouvait compter sur nous peu importe l’épreuve.
Nous avons redéfini le sens du mot “risque” et avons compris la profondeur des mots “parents” et “amour”.